Pastel
Le mot pastel évoque Chardin, Liotard, leurs portraits délicats, comme nés du papier, souvenirs fugaces ou apparitions. Boucher, Fragonard, leurs scènes galantes, plis troublants des robes, fragrances d’alcôves. Toujours la légèreté d’une poudre, l’essence même de la couleur. Toujours la profondeur. Degas, la vision incisive, geste-griffure, entaille. Pastel vif. Vuillard, la couleur qui brûle sous la lampe.
Presque toujours, le papier parle en filigrane, se montre, se rappelle à l’œil. Le pastel souvent murmure, s’offre au regard avant vraisemblablement de disparaître. Technique discrète, vulnérable. Et pourtant … Le pastel, matière chaude, entre poudre et pâte, à la fois volatile et dense. Fragile et éphémère mais pénétrante.
L’utiliser en peintre. Grâce au pastel, les doigts, la main deviennent pinceaux, brosses, truelles. La couleur, pigment presque pur, éclate, imprègne, envahit la surface du papier. Par-dessus, en effleurement, la touche s’affine. La forme, elle, tantôt précède, tantôt suit la couleur. La ligne, décidée ou capricieuse, mutine ou grave, déliée, dessine la voie, troue le ciel et la terre.
Le sujet. Il s’imprime entre les paupières. Croise des visions de Füssli, Böcklin, Goya. Orages, brumes. Paysages tatoués sur la rétine. Corps en attente. Moments d’exaltation. Toutes sensations mêlées. Le haut, le bas. Le superficiel, le profond. Le léger, le tragique. La grotte, la cime. Le feu, l’eau. Les ténèbres, la clarté.
Véronique Déthiollaz, 2012